Black Mirror VS Réalité (augmentée)
L’actualité de la réalité virtuelle bat son plein. Facebook augmente les posters de Ready Player One, Leap Motion annonce North Star, et on apprend qu’Apple travaillerait sur des écrans microLED pour de nouvelles lunettes augmentées… Avec toujours en sous-texte cette même promesse : enrichir notre expérience du réel. Sauf que se cachent sous cette appellation des dizaines de technologies aux usages variés et aux possibilités multiples. Et si notre réalité s’en trouvait plutôt diminuée ? altérée ? censurée ? Pour le savoir, nous avons invité un chercheur, un artiste et un entrepreneur à un rapide détour par la fiction avec l’analyse de trois épisodes de la série Black Mirror.
« Black Mirror apporte une réflexion éthique de la technologie qui contrebalance la vision idéalisée qui nous est proposée par la publicité »
Lise Haddouk
Psychologue clinicienne, Docteur en psychologie et Maître de conférences en psychopathologie à l’université de Rouen
“Ce que nous apporte Black Mirror, c’est autant une vision dystopique du futur qu’une réflexion éclairée sur les technologies que nous utilisons aujourd’hui. Et c’est pour ça que c’est si fort.” Nous sommes samedi 7 avril, 15h et la quatrième conférence “Black Mirror : Through the Broken Glass” bat son plein. Après les festivals Séries Mania, Paris VR Film Festival et Futur.e.s, c’est dans le cadre du festival NewImagespremier événement entièrement dédié à la création numérique et aux mondes virtuels produit par le Forum des Images, que nous posons nos valises pour décortiquer la série.
Plus précisément, c’est la mise en perspective de trois épisodes que nous avons voulu tenter cette fois-ci, pour leur traitement commun d’une réalité altérée par la technologie.
Ô miroir, mon sombre miroir.
“Ce que nous apporte Black Mirror, c’est autant une vision dystopique du futur qu’une réflexion éclairée sur les technologies que nous utilisons aujourd’hui. Et c’est pour ça que c’est si fort.”
Nous sommes samedi 7 avril, 15h et la quatrième conférence “Black Mirror : Through the Broken Glass” bat son plein. Après les festivals Séries Mania, Paris VR Film Festival et Futur.e.s, c’est dans le cadre du festival NewImagespremier événement entièrement dédié à la création numérique et aux mondes virtuels produit par le Forum des Images, que nous posons nos valises pour décortiquer la série.
Plus précisément, c’est la mise en perspective de trois épisodes que nous avons voulu tenter cette fois-ci, pour leur traitement commun d’une réalité altérée par la technologie.
— Arkangel (S04E02)
—?Man Against Fire (S03E05)
—?White Christmas (Christmas special S02).
Et pour débattre, nous avons invité un artiste, une chercheuse, un entrepreneur et une animatrice :
— Aurélien Fache, API artist et “outernet designer” qui explore au quotidien les différentes notions de réalités via les outils numériques.
— Lise Haddouk, psychologue clinicienne, Docteur en psychologie et Maître de conférences en psychopathologie à l’université de Rouen qui a notamment écrit sur Black Mirror dans le Carnet Psy.
— William Eldin, ex-associé de Coyote Systems et CEO de XXII, entreprise d’innovations technologiques en VR/VA et IA
— Animation : Perrine Signoret, journaliste pour Le Monde Pixels
“Chez Cap Digital, nous sommes aux avant-postes du futur, et c’est ce qui nous a donné envie de faire ces conférences sur la série Black Mirror” explique Antoine Allard, directeur de la communication de Cap Digital. “La fiction a toujours été une matière formidable pour interroger le sens de l’innovation et sa perception par le plus grand nombre. Le succès de la série Black Mirror nous prouve que les technologies développées aujourd’hui peuvent être source de peur. Sans reconnaître de caractère prophétique à l’oeuvre de Charlie Brooker, nous pensons qu’il est crucial d’interroger les fantasmes et les peurs que révèle si bien Black Mirror. Et de convoquer tous les acteurs de l’innovation (chercheurs, artistes et entrepreneurs) pour les analyser ensemble.”
« L’hallucination consensuelle partagée est le but ultime à atteindre de la réalité augmentée »
Aurélien Fache, API artist et “outernet designer” qui explore au quotidien les différentes notions de réalités via les outils numériques.
Les exemples d’usages des réalités virtuelle et augmentée sont légion dans Black Mirror. Pour ne prendre que l’exemple de l’épisode Men Against Fire, visualisation partagée de plans virtuels, précision dans le sport (tir à l’arc), repérage géographique à distance (via drone) sont autant de pratiques dont la portée et les résultats sont augmentés par la technologie. “La VR, l’AR, les interfaces vocales sont le futur du smartphone” explique Aurélien Fache.
“Demain la réalité mixte passera par la force, par l’électricité, la force haptique, pour immersion plus totale” complète William Eldin.
Alors oui, ces usages existent déjà. Mais dans la fiction, l’illusion devient quasi-parfaite grâce à des dispositifs réduits à l’état d’implants, comme celui posé sur la petite fille de l’épisode Arkangel. Demain, aurons-nous tous le virtuel dans la peau ? Certes Google et Samsung ont déjà affolé la presse en déposant les brevets d’une lentille connectée il y a quelques années… Mais depuis rien de concret, des tailles de casques toujours conséquentes et des Google Glasses toujours enterrées au fond du carton.
Avant qu’on puisse parler d’ ”hallucination consensuelle”, il faut que l’humain ne puisse plus faire la différence entre le réel et le simulé. En plus des lourds casques qu’il faudra alléger, “il faudra s’attaquer à la cinétose (= motion sickness)” explique Lise Haddouk “et à la proprioception : comment l’humain parvient à percevoir son propre corps dans un univers numérique.”
« Le virtuel est la chambre magique de l’entraînement au réel »
William Eldin, ex-associé de Coyote Systems et CEO de XXII, entreprise d’innovations technologiques en VR/VA et IA
N’empêche que, comme le dit Aurélien Fache “le futur de la réalité augmentée est dans l’AR cloud, c’est à dire une copie digitale à l’échelle 1:1 de notre monde”. Il serait bientôt possible de laisser des traces durables et visibles par tous dans une version alternative de notre réel. Des usages dont on voit déjà les prémices : rappelons-nous les parcs envahis par des individus réunis par Pokémon Go, ou le dernier acte de vandalisme sur l’oeuvre en réalitée augmentée proposée par Jeff Koons.
Autre preuve que le monde virtuel se crée à l’image du monde physique : la réalité virtuelle est déjà utilisée comme simulateur de situations réelles.
Entraînement militaire, prise de parole en public, vertige, trouble post-amputation, choc post-traumatique, elle sert d’espace d’entraînement, de test et d’expérimentation.
Dans la série, c’est parfois l’inverse : les technologies ne cherchent plus à imiter le réel mais à le limiter pour le rendre plus appréhensible et limiter les émotions.
« Certaines images nous semblent plus réelles que d’autres en réalité virtuelle ou augmentée, celles avec lesquelles nous entretenons un lien affectif » Lise Haddouk
« Cambridge Analytica par rapport aux risques de la VR, c’est rien du tout.»
Aurélien Fache, API artist et “outernet designer” qui explore au quotidien les différentes notions de réalités via les outils numériques.
Onimagine vite quels sont les risques d’une manipulation du réel. Dans White Christmas et Men Against Fire, l’Etat choisit de limiter la perception de ses citoyens, que ce soit dans le cas d’une restriction suite à faute grave ou dans un embrigadement militaire à grande échelle.Et d’occulter leur consentement : “Vous acceptez de ne pas vous rendre compte que vous êtes dans cet état.”.
Impossible dans ce cas de ne pas faire le parallèle avec la situation chinoise actuelle : vidéo-surveillance omniprésente, reconnaissance faciale pour piétons, système citoyen à point… ‘“En Chine on est traqué à chaque instant” confirme William Eldin.
“En France, au contraire, on a le Règlement sur la Protection des donnés (RGPD) dont l’application va être effective en mai prochain. L’éthique est encore bien protégée par la loi chez nous.”
Protégés, voire freinés ? Selon William Eldin, nous serions presque trop limités : “Les politiques créent des lois pour freiner une IA qui pourrait être dangereuse mais ils ne comprennent pas ce mot qui recouvre aujourd’hui des milliers de technos. Et ça risque juste de freiner la créativité… “.
« Il est urgent d’arrêter de spéculer sur l’imaginaire. »
Wiliam Eldin, ex-associé de Coyote Systems et CEO de XXII, entreprise d’innovations technologiques en VR/VA et IA
“La fiction anticipe souvent le réel, explique Lise Haddouk. La visio-conférence par exemple à été imaginée par Asimov des années avant sa création”.
Par nature, l’homme tend à tout faire pour créer ce qu’il imagine, au risque de craindre ce qui n’existe pas encore. Ce genre de série dérange parce qu’elle active une sensation de peur auprès du grand public. “Les individus spéculent trop sur l’imaginaire. L’IA, la VR, le futur ce n’est pas Terminator. Mais la dystopie fait vendre.” complète Aurélien Fache
Certes, les terrifiantes silhouettes bloquées de White Christmas et la modification de l’apparence des “Déchets” dans Men Against Fire font froid dans le dos, mais peut-on pour autant dire que nous n’avons pas déjà des situations de ce type ? “La réalité altérée / modifiée / révélée / diminuée, on l’a potentiellement déjà quand on voit les canons de beauté tous photoshopés sur les pubs en ville.” note Aurélien Fache. “Le corps des femmes est déjà une réalité altérée. Il n’y a pas eu besoin de technologie pour ça”.
“A nous de décider comment vont s’orienter les choses. Tout ne va pas se faire en un claquement de doigt : nous créons collectivement”
Pour aller plus loin
— Le livetweet de la #confBlackMirror
— Un parcours d’oeuvres, de films et de livres par Vive La Culture pour approfondir la réflexion sur la série
— La keynote d’Aurélien Fache “Une journée sous LSD”
— L’entretien de France Inter avec Lise Haddouk “Black Mirror : et si la série disait vrai ?”
— Le site de l’entreprise de Wiliam Eldin, XXII